
Comme annoncé en septembre dernier, l’EuroLeague instaure un salary cap à compter de la saison prochaine. Une révolution dans la ligue. Quand ? Combien ? Comment ? Pourquoi ? Qui serait concerné ? On fait le point.
C’est une décision qui peut changer le monde du basket européen. Ce monde, où l’argent régit tout ou presque. Ce monde où une poignée de clubs historiques (riches surtout) se partagent chaque année les places aux Final Four puis les titres. Ce monde où il suffit de poser 35M sur la table un été, changer tout son effectif pour acheter les plus grandes stars, et devenir champion – comme par magie, neuf mois plus tard.
L’impression que toutes les équipes ne luttent pas à armes égales dans cette ligue. Une ligue où un Panathinaïkos, pour ne pas le citer mais entre autre, peut se permettre de mettre sur deux joueurs ce que d’autres mettent sur un effectif entier.
Oui, Kostas Sloukas et Kendrick Nunn touchent à eux deux 5,1M d’euros par saison, soit presque la masse salariale de l’ASVEL (5,8) ou du Paris Basketball (5,6). Oui, Sasha Vezenkov à l’Olympiakos (3,7M d’euros annuel) gagne presque autant que le vestiaire complet de l’ALBA Berlin (4,1M) à lui-seul.
Alors comment rivaliser dans ces conditions ? Comment faire pour rendre la ligue plus homogène encore, comme en rêve l’EuroLeague ?
Voici le plan : un salary cap. Dès la saison prochaine, l’équité sportive sera donc de mise dans la plus prestigieuse ligue du Vieux Continent, avec de nouvelles règles de fair-play financier.

Sasha Vezenkov vaut, à lui-seul, l’effectif de l’ALBA Berlin (crédits photo : EuroLeague)
COMMENT ÇA MARCHE ?
A partir de la saison prochaine, chaque club aura donc un plafond salarial à ne pas dépasser. Lequel, comme l’a révélé l’EuroLeague, s’élève à 8M d’euros. A titre de comparaison, en NBA, il est fixé à 140M.
Ce chiffre de 8M a été déterminé à partir des revenus moyens des clubs membres (autour des 19,5M d’euros par saison environ, en ce moment). Ce cap salarial est donc amené à augmenter au fil des saisons.
Toutes les équipes dépassant ce plafond salarial seront donc priées de payer une luxury tax. Et cette dernière sera redistribuée à la fin de la saison entre les clubs qui, eux, auront respecté ces contraintes financières.
Pourcentage dépassé | Taxe à payer |
0-10% | 0,50 € par euro |
10-30% | 0,75 € par euro |
30-50% | 1 € par euro |
50-70% | 2 € par euro |
70-90% | 3 € par euro |
90-110% | 4 € par euro |
Au-delà de l’équité sportive et de la transparence des chiffres, l’objectif est d’assainir les finances pour les clubs qui sont, on le sait, très souvent en déficit à la fin de la saison.
« L’EuroLeague reste déterminée à favoriser un environnement financièrement durable et équilibré sur le plan sportif, garantissant une croissance à long terme et la transparence pour toutes les parties prenantes. Ces nouvelles règles représentent une étape clé pour atteindre ces objectifs, en posant les bases d’un avenir plus stable et équitable pour le basket européen. » (L’EuroLeague, via un communiqué officiel)
Qu’est-ce que ça représente 8M d’euros ? Pour vous donner une idée, sur la saison actuelle, 13 des 18 clubs engagés ont une masse salariale supérieure ou égale à 8M d’euros, dont notre AS Monaco (13,5M)*. Seuls le Zalgiris, le Maccabi et l’ALBA Berlin rentreraient dans les clous, ainsi que nos deux clubs français, l’ASVEL et Paris.
Vu comme ça, on serait tenté de se dire qu’un paquet de clubs se trouveront dans la me… Je vous arrête donc tout de suite, car le calcul est un peu plus complexe que cela.
PETIT A PETIT
Cette limite stricte de 8M d’euros ne prendra effet qu’à partir de la saison 2027-2028. Ce qui rentrera en vigueur en octobre prochain, c’est un salary cap partiel. Car pour une mise place progressive, l’EuroLeague a instauré des exceptions, qui permettent de retirer certains salaires de l’équation et d’avoir un peu plus de marge.
Voici ces exceptions :
- Les « anchor players » : les deux plus gros salaires de l’effectif, pour permettre aux stars de rester ;
- Les « young talents » : les joueurs U23, pour continuer de former ;
- Les « long-term injured » : les joueurs blessés qui sont indisponibles plus de deux mois ;
- La « medium-range exception » : c’est-à-dire un joueur dont le salaire est dans la moyenne (entre 560 000 et 640 000€ la saison) ;
- Les « long tenure players » : pour les joueurs qui sont dans le club depuis trois saisons ou plus, seul 75% du salaire est compté ;
Ainsi, si on enlève tous ces salaires du calcul, certaines équipes repassent dans le vert.
EXEMPLES CONCRETS
C’est le cas de Monaco. Pour donner un exemple, si l’effectif monégasque reste inchangé pour la saison prochaine, il faudrait retirer du calcul les salaires de Mike James (2,9M) et Nick Calathes (1,5), en tant qu’« anchor player ». Mais aussi celui de Matthew Strazel, qui sera encore considéré U23 au départ de la campagne 2025-2026. A force de miser sur la continuité, la Roca Team compte aussi dans son effectif beaucoup de membres qui disputeront à partir d’octobre prochain, date à laquelle le salary cap prendra effet, leur 4ème saison en Principauté ou plus. Cela concerne Motiejunas (1M), Diallo (820 000), Okobo (800 000), Loyd (920 000), Blossomgame (650 000). Ces joueurs rentrent donc dans la catégorie « long-tenure player » et ne seront comptabilisés qu’en partie dans les comptes.
Au final, il n’y aurait donc à compter que les salaires de Papagiannis (840 000€**), Cornélie (800 000€), Jaiteh (700 000), Brown (460 000€), Tarpey (400 000€), Begarin (200 000€) et Daniel Theis, dont le montant n’a pas encore filtré. Plus, les 75% des salaires des joueurs qui sont là depuis longtemps, ce qui nous donne une « masse salariale effective » de… 6,5M d’euros. Avec une petite marge pour intégrer le salaire de Theis, on est donc en deçà des 8M, loin de la luxury tax donc. Monaco est dans le vert.
En parlant de vert, prenons maintenant l’exemple du Pana, dont la masse salariale totale s’élève à 20,5M*, soit le plus haut total de la ligue à égalité avec l’Olympiakos et le Real. Enlevons Sloukas (2,68M) et Nunn (2,1M) au titre d’ « anchor players », ainsi que 25% des salaires Kalaitzakis (350 000), Grigonis (1,1M), Papapetrou (800 000), et Mitoglou (800 000) au titre de « long tenure players ». Il reste ainsi à prendre en compte Hernangomez (2M), Brown (1,9M), Lessort (1,7M), Osman (1,6M), Grant (1M), Yurtseven (1M), Moraitis (200 000) soit 11,6M d’euros, au-dessus donc de la limite. Et nous ne comptons pas Gabriel et Pleiss, arrivés en cours de saison, et dont les salaires ne sont pas connus. Le Pana est dans le rouge.

Le nouvel effectif du Panathinaïkos, au début de la saison 2023-2024 (crédits photo : Vangelis Stolis)
En parlant de rouge, parlons des Reds qui ne figurent pas mieux, bien que sans Vezenkov (3,9M) et Fournier (2,1M), et malgré de nombreux joueurs basés au Pirée depuis trois saisons ou plus. A savoir Fall (1,85M), Milutinov (1,65M), Peters (1,25M), Walkup (1,2M), Williams-Goss (1,1M), Papanikolaou (1,1M), Larentzakis (750 000) et McKissic (650 000). On a beau enlevé Naz Mitrou-long (600 000) qui rentre dans les conditions de la « medium-range exception », rien n’y fait.
Au final, il reste Dorsey (1,5M), Vildoza (1M), Wright (650 000), Evans (600 000) auquel on ajoute les 75% des « long tenure players », et on tombe sur 11M de masse salariale. Comptons en plus une marge pour les salaires de Mensah et Lee, dont les montant n’ont pas encore été révélé, les 8M sont explosés.
Les exceptions provisoires ont beau rendre l’addition un peu moins salée, les gros devront passer à la caisse. Reste à savoir s’ils assumeront leur choix en payant leur luxury tax sans broncher pour continuer avec leur effectif pléthorique.
Ce salary cap sera-t-il efficace ? L’ensemble des clubs d’EuroLeague joueront-ils vraiment à armes égales ? Début de réponse dès la saison prochaine.
*sources : BasketNews
**sources : Basket Europe